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Droit international et européen

Publié le 01/07/2021

Le droit social français est soumis à l’influence croissante du droit international et européen.

1) Sources internationales

L’article 55 de la Constitution française confère aux traités ou accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois.

a) Droit de l’Organisation Internationale du Travail (OIT)

L’OIT est une agence de l’Organisation des Nations Unies (ONU) créée en 1919. Elle est composée de trois organes principaux (La Conférence internationale du Travail, le Conseil d’administration et le Bureau international du travail) qui comprennent tous des représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs.

L’OIT a pour mission d’établir des normes internationales, d’élaborer des politiques et de concevoir des programmes visant à promouvoir le travail décent pour tous les hommes et femmes dans le monde.

L’OIT peut adopter deux types de normes :

  • Les conventions

Les conventions occupent une place primordiale en droit international du travail. Ce sont des traités internationaux juridiquement contraignants adoptés par la Conférence internationale du travail à la majorité des deux tiers. Les conventions entrent en vigueur lorsqu’elles sont ratifiées par deux états et n’engagent que ceux qui les ont ratifiées.

Il existe 3 catégories de conventions : les conventions fondamentales, les conventions de gouvernance et les conventions techniques.

- Les conventions fondamentales sont au nombre de huit :

  • Convention (n°29) sur le travail forcé, 1930
  • Convention (n°87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948
  • Convention (n°98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949
  • Convention (n°100) sur l’égalité de rémunération, 1951
  • Convention (n°105) sur l’abolition du travail forcé, 1957
  • Convention (n°111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958
  • Convention (N°138) sur l’âge minimum, 1973
  • Convention (n°182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999

En raison de leur caractère fondamental, ces conventions s’imposent aux Etats membres qu’ils les aient ou non ratifiées.

- Il existe quatre conventions de gouvernance :

  • Convention (n°81) sur l’inspection du travail, 1947
  • Convention (n°122) sur la politique de l’emploi, 1964
  • Convention (n°129) sur l’inspection du travail (agriculture), 1969
  • Convention (n°144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976

- On compte également 178 conventions techniques, la plus récente a été adoptée en 2019 et porte sur la violence et le harcèlement au travail (convention n°190).

La France a ratifié 128 conventions parmi les 190 conventions élaborées par l’OIT.

  • Les recommandations

Les recommandations servent de principes directeurs ayant une visée incitative. Elles n’acquièrent pas d’effet contraignant par ratification. Elles émanent de la Conférence internationale du travail et sont adoptées la majorité des deux tiers. Elles servent notamment de complément d’application à une convention.

Mécanismes de contrôle de l’application des conventions ratifiées :

  • Mécanisme non juridictionnel : il existe trois formes de contrôle de ces normes

- La procédure des rapports : chaque Etat membre doit présenter un rapport annuel sur l’application dans leur droit national des conventions auxquelles ils ont adhéré. Une commission d’experts examine ce rapport et peut prendre différentes décisions.

- La procédure des réclamations : les organisations professionnelles représentatives de salariés ou d’employeurs peuvent saisir le Bureau international du travail pour faire constater l’inexécution ou la mauvaise exécution d’une convention ratifiée par un Etat membre.

- La procédure des plaintes : le conseil d’administration de l’OIT peut instituer une commission d’enquête qui sera chargée de rendre un rapport comprenant ses constats et recommandations sur les mesures à mettre en œuvre par le gouvernement qui a fait l’objet de la plainte. Ce dernier devra indiquer sa volonté d’accepter ces mesures ou de soumettre l’affaire à la Cour internationale de justice.

  • Il n’existe pas de juridiction internationale dédiée pour le contrôle de l’application des normes édictées par l’OIT.
  • Les normes de l’OIT peuvent être d’effet direct.

L’effet direct signifie que les particuliers pourront invoquer directement certaines de ces normes devant une juridiction nationale ou européenne.

b) Traités bilatéraux et multilatéraux

La France a conclu de nombreux traités bilatéraux ou multilatéraux avec des Etats non européens en matière sociale. Ils régissent principalement les conditions d’accès à l’emploi et l’octroi de droits en matière de protection sociale.

2) Sources européennes

a) Droit du Conseil de l’Europe

Créé en 1949, le Conseil de l’Europe est une organisation intergouvernementale distincte de l’Union Européenne qui compte 47 pays membres dont la France.  

Il poursuit l’objectif de promotion de la démocratie, des droits de l’Homme et de l’Etat de droit.

Il est à l’origine de deux conventions qui intéressent la matière sociale :

  • La Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (Convention EDH)

Adoptée en 1950 et ratifiée par la France en 1973, la Convention EDH est un texte juridiquement contraignant qui traite essentiellement de droits civils et politiques. Toutefois, deux dispositions intéressent le droit du travail : l’article 4 sur l’interdiction du travail forcé ou obligatoire et l’article 11 sur la liberté de réunion ou d’association qui recouvre le droit à la liberté syndicale. D’autres dispositions peuvent l’intéresser de manière indirecte : notamment l’article 6 sur le droit au procès équitable, l’article 8 sur le droit à la vie privée et familiale, l’article 9 sur la liberté de pensée, de conscience et de religion, l’article 10 sur la liberté d’expression et l’article 14 sur l’interdiction de discrimination. Ces dispositions servent fréquemment de fondement aux décisions de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Mécanisme de contrôle : tout justiciable peut attraire un Etat membre devant la Cour européenne des droits de l’Homme (Cour EDH) une fois que les voies internes ont été épuisées lorsqu’il estime qu’un Etat membre a violé ses engagements. Ces arrêts sont déclaratoires, les justiciables ne peuvent pas obtenir automatiquement l’annulation ou la modification des décisions prises par les juridictions françaises. Toutefois, les juridictions françaises peuvent s’appuyer sur l’interprétation donnée des dispositions de la convention. 

La Cour EDH considère que l’ensemble des dispositions de la Convention EDH sont dotées de l’effet direct.

  • La Charte sociale européenne

Signée en 1961, ratifiée par la France en 1973 et révisée en 1996, la Charte sociale européenne consacre des droits sociaux parmi lesquels on trouve le droit au travail (article 1), le droit à des conditions de travail équitables (article 2), le droit à la sécurité et à l’hygiène dans le travail (article 3), le droit à une rémunération équitable (article 4), le droit à la formation professionnelle (article 10), le droit à la sécurité sociale (article 12), etc.

Les Etats sont tenus de souscrire à un nombre minimal de dispositions, la France fait partie des trois pays ayant ratifié la totalité des dispositions de la charte révisée.

Mécanisme de contrôle :

  • Le contrôle s’effectue par le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) par le biais de deux procédures distinctes :

- Des rapports périodiques fournis par les Etats membres.

- Le système des réclamations collectives : les organisations d’employeurs et les syndicats d’un Etat peuvent présenter des réclamations en cas de non-conformité du droit ou de la pratique d’un Etat au regard d’une ou plusieurs dispositions de la Charte. Ces réclamations sont examinées par le CEDS. Lorsqu’elles sont déclarées recevables, le comité adopte une décision sur le bien-fondé de la réclamation. Ces décisions s’imposent aux Etats concernés mais ne sont pas exécutoires dans l’ordre interne (l’auteur de la réclamation ne peut pas exiger que la décision soit exécutée en droit interne). Toutefois, elles sont dotées d’un effet déclaratoire, ainsi les juges nationaux peuvent s’appuyer sur cette décision pour invalider ou ignorer le droit interne.

  • Il n’existe pas de juridiction dédiée pour contrôler la Charte sociale européenne, celle-ci n’est pas contrôlée par la Cour EDH.
  • Le Conseil d’Etat admet que certaines dispositions de la Charte sociale européenne peuvent produire un effet direct.

b) Droit de l’Union Européenne (UE)

La politique sociale rentre dans le champ des compétences partagées entre les Etats et l’UE. Ainsi, la France et l’UE peuvent légiférer de manière concurrente.

L’article 88-1 de la Constitution consacre l’existence d’un ordre juridique de l’Union Européenne intégré à l’ordre juridique interne et distinct de l’ordre juridique international.

La Cour de justice des communautés européennes a affirmé le principe de primauté dans l’arrêt Costa c/ Enel du 15 juillet 1964. Cela signifie que le droit de l’Union prévaut sur le droit national pour toutes les normes disposant d’une force obligatoire.

En droit de l’UE on distingue :

  • Le droit originaire / primaire

Le droit originaire comprend les traités et les actes assimilés, notamment :

- Le Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) : l’article 45 du TFUE porte sur la libre circulation des travailleurs au sein de l’UE

- Le Traité sur l’Union Européenne (TUE)

- La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs

- La Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne : les articles 27 à 35 concernent le droit social

Ces normes sont juridiquement contraignantes sauf la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs.

Les textes de droit primaire disposent d’un effet direct conféré au cas par cas.

  • Le droit dérivé

- Les règlements : il s’agit de règles obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicable dans les différents droits nationaux. Ils disposent d’un effet direct complet. 

- La directive : elle ne dispose pas d’une force obligatoire dès sa publication ou Journal Officiel de l’Union Européenne, les législateurs nationaux doivent adopter une loi de transposition dans le but de mettre en œuvre les résultats prescrits par la directive. Une date limite de transposition est fixée par la directive. Toutefois, une directive qui n’est pas ou mal transposée peut être invoquée devant le juge national si ses dispositions sont suffisamment précises et inconditionnelles et dans une situation verticale (relation entre les particuliers et le pays – effet direct vertical). Ainsi, elle ne pourra pas être invoquée dans un litige entre particuliers (situation horizontale – effet direct horizontal). 

- La décision : elle émane du Conseil de l’UE ou de la Commission européenne. C’est un acte qui dispose d’une portée individuelle, il est obligatoire dans tous ses éléments au regard de la personne auquel il s’adresse.

- La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE). 

- L’accord-cadre conclu par les partenaires sociaux européens pouvant être repris par l’UE. 

Mécanisme de contrôle du droit primaire et du droit dérivé : la Cour de justice de l’Union Européenne contrôle l’application et la validité du droit de l’UE, notamment par le biais du recours préjudiciel en interprétation. Cette interprétation vaut erga omnes, cela signifie qu’elle n’est pas uniquement liée à l’affaire dont la Cour est saisie.