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Discriminations : le refus de prendre en compte un diplôme étranger peut être discriminatoire

Publié le 09/01/2024

Le refus par l’employeur de prendre en compte le diplôme et l’expérience à l’étranger d’une salariée pour le bénéfice de la classification conventionnelle à laquelle elle peut prétendre laisse supposer l’existence d’une discrimination en raison des origines. C’est ce qu’a précisé la Cour de cassation dans un arrêt récent, publié au bulletin. Cass.soc. 20.12.2023, n°21-20.904.

Non prise en compte du diplôme et de l’expérience acquis en Roumanie

Dans cette affaire, une salariée a été engagée en 2013 en qualité d’agent de comptabilité et positionnée comme employée dans la classification prévue par la convention collective nationale de l'hospitalisation privée. Soutenant ne pas avoir été rémunérée à sa juste classification et revendiquant celle de technicienne comptable, elle a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la reconnaissance d'une discrimination en raison de son origine. 

L'employeur avait en effet contesté la valeur son diplôme universitaire et l'expérience professionnelle acquis en Roumanie. Pour justifier de l'avoir positionnée à un niveau inférérieur à celui auquel elle prétendait, il arguait que la salariée ne disposait ni d'un « diplôme français de niveau III de l'éducation nationale » (correspondant anciennement à un bac + 2), ni d'une expérience professionnelle d'au moins 3 ans en France. De son côté, elle faisait valoir d’une part que le diplôme et l’expérience dont elle justifiait permettaient de prétendre à une position de technicienne et d’autre part qu’elle effectuait les mêmes tâches que celles de ses collègues d'origine française positionnés à un coefficient supérieur. En l'espèce, elle était titulaire d’un diplôme de sciences économiques délivré par l’académie d’études économiques de Bucarest pouvant être comparé à un diplôme de niveau I (correspondant anciennement à un bac + 5).

Des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination ?

La juridiction prud’homale lui a donné raison en jugeant qu’elle avait été victime d’une discrimination en matière de qualification professionnelle eu égard à son origine étrangère et qu’elle devait être classée en tant que technicienne comptable à compter de 2013.

Cependant, la cour d’appel n’a pas suivi les conclusions des juges de première instance. Si elle a considéré que l’emploi occupé par la salariée relevait effectivement de la classification de technicienne comptable, elle a rejeté ses demandes au titre de la discrimination. Elle a ainsi jugé que la salariée ne présentait pas d’éléments de faits suffisants permettant de laisser supposer qu’elle avait été victime de discrimination à raison de son origine. Selon elle, « le seul fait pour la salariée de détenir un diplôme étranger ou d’avoir acquis une expérience professionnelle à l’étranger ne suffit pas à laisser présumer qu’elle a été victime de discrimination en raison de son origine, l’employeur justifiant avoir chercher à recruter dès l’origine un salarié au poste d’agent comptable ».

La salariée s’est pourvue en cassation.

La qualification professionnelle d’un salarié se détermine selon les fonctions réellement et concrètement exercées. Ainsi, il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

Oui, pour la Cour de cassation

La Cour commence par rappeler les règles probatoires en matière de discrimination.

Lorsque survient un litige quant au respect du principe de non-discrimination, le salarié qui se considère victime doit apporter devant les juges des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. Au vu de ces éléments, l’employeur doit alors prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge doit ensuite former sa conviction après avoir ordonné, au besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles (1).

Elle poursuit en démontant le raisonnement opéré par la cour d’appel. Ainsi, dès lors que les juges du fond avaient constaté que « la salariée, titulaire d’un diplôme étranger, n’avait pas bénéficié de la classification conventionnelle à laquelle elle pouvait prétendre depuis son embauche et que l’employeur faisait référence dans ses conclusions à l’absence de diplôme français et d’expérience professionnelle en France », elle aurait dû en déduire que ces éléments laissaient supposer l’existence d’une discrimination en raison de son origine.

En d’autres termes, le fait de justifier une classification inférieure par le diplôme et l’expérience à l’étranger d’un salarié laisse nécessairement supposer l’existence d’une discrimination. Il appartient dans ce cas à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La CFDT accueille favorablement cette position de la Haute juridiction. Une classification ou une rémunération inférieure ne peut reposer sur la seule origine nationale du diplôme !


(1) Art. L.1134-1 C.trav.

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