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CSP : l’Outre-mer et l’avenir des conseils de prud’hommes à l’ordre du jour

Publié le 04/10/2023

Pour le Conseil supérieur de la prud’homie (CSP) aussi, l’heure de la rentrée a sonnée ! C’était le 26 septembre dernier, avec un ordre du jour particulièrement chargé, bien qu’un seul projet de texte lui ait été soumis pour avis, celui relatif à l’Outre-mer et s’adressant plus particulièrement à certains conseillers prud’hommes résidant à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. Pour le reste, c’est de l’avenir des conseils de prud’hommes dont il a été question : son avenir à moyen terme, via la présentation du rapport que la Cour des comptes a rendu sur le sujet le 22 juin dernier. Mais aussi son avenir immédiat via le projet de loi justice qui devrait définitivement être adopté dans les jours qui viennent.

La séance du CSP s’est donc ouverte sur l’avis à rendre à propos d'un projet de texte relatif à l’Outre-mer. S’en est suivi un débat autour du rapport récemment rendu par la Cour des comptes puis un point fait par l'administration sur la future loi justice. Mais aussi par une présentation par l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) de la formation initiale qu’elle dispense et un bilan de la dernière vague de désignations complémentaires des conseillers prud’hommes.

La consultation sur un projet de décret indemnisation des temps de transport des conseillers prud’hommes de Saint Martin portant modification de l’article R. 1523-6 du Code du travail

Qui sont les conseillers prud’hommes concernés ? Ce sont ceux qui sont domiciliés sur les iles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy et qui sont appelés à siéger au conseil de prud’hommes de Basse-Terre.

A l’évidence, ce projet de décret tend à améliorer la situation des conseillers prud’hommes concernés puisqu’il leur permet de bénéficier d’une indemnisation de leur temps de transport. Alors qu’aujourd’hui, seuls leurs frais de déplacement sont pris en charge. Pour ce faire, il vient porter modification de l’article R. 1523-6 du Code du travail.

- L’article R. 1523-6 du Code du travail en sa version actuelle :

« Les conseillers prud'hommes résidant à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy, lorsqu'ils sont appelés à siéger au conseil des prud'hommes de Basse-Terre sont remboursés, à l'occasion de leurs déplacements entre le siège du conseil de prud'hommes et leur domicile ou leur lieu de travail habituel, de leurs frais de repas et d'hébergement selon les modalités prévues au 1° et au 2° de l'article 3 du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 modifié fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat ».

- Les modifications envisagées par le décret : l’instauration d’une indemnisation des temps de transport. Il faut surtout retenir une modification de fond qui se traduit par l'ajout d'un second alinéa au texte et selon lequel « le temps de transport entre le siège du conseil de prud'hommes et leur domicile ou leur lieu de travail habituel des conseillers prud’hommes visés au premier alinéa, est indemnisé au taux horaire selon les modalités prévues aux articles D. 1423-56 et D. 1423-57 du code du travail ».

 

Cela signifie que pendant tout le temps que durera leur transport, les conseillers prud’hommes salariés concernés auront droit, soit à un maintien de leur salaire, soit au versement de vacations. Il y aura maintien de salaire si ce temps coïncide avec une période où ils auraient dû être en emploi. Et un versement de vacation si ce temps coïncide avec une période où ils n’auraient plus dû l’être.

Ce projet de décret améliore objectivement la situation des conseillers prud'hommes résidant à Saint-Martin / Saint Barthélémy et siégeant à Basse-Terre. Nous l’avons donc approuvé.

Avis CSP : avis favorable.

 

Le débat autour du rapport de la Cour des comptes

C'est le maître des requêtes en charge de cette étude qui est lui-même venu présenter le rapport devant le CSP. D’emblée, il a rappelé qu’au cours de l’ « enquête sur les conseils de prud’hommes » qui a précédé la publication du rapport, nombre d’acteurs du monde de la prud’homie ont pu être auditionnés : ministère de la Justice, ministère du Travail, conseil de prud'hommes (Bobigny, Toulon, Avranches, Colmar, Paris…) mais aussi l’ensemble des membres du CSP, président compris. Sur le fond, il s'est attardé sur un certain nombre de sujets que le rapport aborde :

- la présidence des conseils de prud'hommes et les propositions faites pour une meilleure organisation : mandats de président et de vice-président plus longs et rôle plus actif des présidents en matière de formation initiale et continue des conseillers prud’hommes ;

- l'organisation des conseils de prud'hommes et notamment de celle des juridictions qui ne sont composées que de « petits effectifs de greffes » avec à la clé une demande faite au ministère de la Justice de produire des « états annuels du nombre de personnels de greffe dans les différents conseils de prud'hommes » ;

- les liens conseil de prud'hommes / tribunaux judiciaires / cour d'appel qui devraient faire l'objet d'une contractualisation sous la forme de « protocoles » ;

- la gouvernance des conseils de prud'hommes qui se trouve éclatée entre ministère de la justice et ministère du Travail. Constat assorti d'une réflexion autour de la place et du rôle du CSP qui sont -pour l’heure- jugés trop marginaux ;

- la formation -et notamment la formation continue- qui est présentée comme devant faire l'objet d'un schéma directeur piloté par l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) au motif que cette formation continue serait dépourvue d’objectif précisément défini, d’évaluation effective et de lien réel avec la formation initiale ;

- la qualité des jugements rendus et leurs indispensables améliorations avec des pistes d’évolution telles que la possible relecture des projets de jugement par un autre conseiller prud'homme que le rédacteur ;

- la carte judiciaire des conseils de prud'hommes qui est présentée comme devant être revue et corrigée via un regroupement de conseils de prud'hommes, une diminution du nombre de conseillers prud'hommes et une redéfinition du périmètre des sections. Réflexion cependant couplée avec les questions liées à l'accès à la justice (requête à simplifier et accessibilité numérique à développer).

 

Dans la foulée de cette intervention, la CFDT est elle aussi revenue sur un certain nombre de points figurant au rapport, dont certains n’avaient pas été repris dans la présentation orale du maître des requêtes.

En approuvant un certain nombre de pistes d'évolution telles que la plus grande place donnée au CSP, la meilleure visibilité et le meilleur suivi de l’affectation des effectifs de greffe dans les différents conseils de prud’hommes ou bien encore -point non relevé oralement par le maître des requêtes-, le meilleur encadrement des partages de voix et des renvois de dossiers en départage (obligation qui serait faite aux conseillers prud’hommes en partage de voix de motiver leurs décisions et nécessité pour eux de participer à la formation de départage).

Approbation également de la perspective d’une redéfinition des périmètres des sections de conseils de prud’hommes ; les sections actuelles ne reflétant plus suffisamment la réalité de l’activité économique de notre pays. Ce en cohérence avec le positionnement qui avait déjà été la nôtre en 2019 à l’occasion de notre participation au groupe de travail effectif de conseillers prud’hommes.

Sur d’autres pistes d’évolution, nous nous sommes par-contre montrés soit plus réservés, soit franchement hostiles. Et notamment sur celles touchant à la formation continue.

- Hostilité donc à propos d’un schéma directeur inhérent à la formation initiale et à la formation continue confié à l’ENM ; les formations continues étant pour l’essentiel dispensées par les organisations syndicales et professionnelles, l'ENM ne nous semble pas être l’acteur le mieux placé pour ce faire. Mais aussi à propos d’une « formation complémentaire » envisagée dans le cadre de la formation continue sur laquelle le maitre des requêtes n’est pas revenu en séance mais qui figure bel et bien au sein du rapport. Celle-ci porterait notamment sur la procédure et serait confiée à des acteurs autres que les organisations syndicales et professionnelles. La volonté affichée par la Cour des comptes étant de déshabiller les organisations syndicales et professionnelles d'une partie de leurs prérogatives et de les cantonner à la seule formation en droit du travail stricto sensu

Avec un risque évident : que cette « formation complémentaire » confiée à d’autres acteurs vienne finalement se substituer à celle que nous assurons actuellement.

Mais hostilité aussi à propos des possibles regroupements de conseils de prud'hommes, et donc de la fermeture de petits conseils. De même qu’en l’absence de diagnostic partagé et d’une réflexion globale sur le fonctionnement des conseils de prud’hommes, de la perspective d'une diminution du nombre de conseillers prud’hommes.

- Réserve à propos de la création d’un droit de regard des présidents / vice-présidents sur les jours de formation suivis par les conseillers prud’hommes au sein de leur conseil. Une telle évolution méritant d’être réfléchie en prenant en considération l’ensemble des éléments ayant trait à la formation continue.

D’autres pistes d’évolution ont enfin retenu notre intérêt comme méritant également d’être réfléchies. Ainsi, s’agissant de l'écart entre sièges de conseillers prud’hommes attribués à une organisation et sièges effectivement effectivement pourvus. Écart qui génère des difficultés de fonctionnement du service public de la justice et qui devrait tous nous interroger. Même si cela n’a pas été repris en séance par le maître des requêtes, la Cour des comptes propose bien en son rapport de « reprendre » aux organisations syndicales et professionnelles les sièges qu'elles ne parviendraient pas à pourvoir, dès lors que le nombre de sièges attribués et non pourvus serait trop conséquent. Sur le plan de l’intérêt général, une telle proposition peut parfaitement s'entendre. En soi, elle serait d'ailleurs moins choquante que celle que le Parlement s'apprête à approuver -via l'adoption à venir du projet de loi justice- et qui s'autorise à mettre à mal le principe de parité femmes/hommes afin de remédier au déficit de sièges effectivement pourvus.  

Le point sur le projet de loi justice

Le ministère de la justice est intervenu pour faire le point sur les dispositions prud'hommes figurant au projet de loi justice. L'ensemble des dispositions qui nous avaient été présentées lors du CSP du mois de juin 2023 sont toujours présentes dans le projet de texte actuel. Ce malgré l'opposition que cette instance avait émise à propos de la limite d'âge à 75 ans pour exercer en qualité de conseiller prud'homme et contre la limitation à 5 mandats successifs de conseillers prud'hommes au sein d'un seul et même conseil de prud'hommes.

Il nous a par ailleurs été précisé que le parcours parlementaire du texte était aujourd‘hui presque terminé puisqu’il a désormais été définitivement adopté par le Sénat puis par l'Assemblée nationale.

Mais les deux assemblées ayant adopté des textes partiellement divergents, une Commission mixte paritaire (CMP) devrait tenir séance dans quelques jours, entre le 5 et le 9 octobre prochain.

Seule information de fond à retenir, mais pas des moindres : les mesures limitant l'âge d’exercice de la fonction prud’homale à 75 ans et le nombre de mandats successifs au sein d’un seul et même conseil ne seront effectives qu’à compter du prochain renouvellement de 2025. Ainsi d’ailleurs de l’obligation qui devrait être faite aux conseillers prud’hommes de se fendre d’une déclaration d’intérêts en tout début de mandat.

 

Formation initiale, désignations complémentaires et questions diverses CFDT

La séance du CSP s’est poursuivie par une intervention de l’ENM aux fins de présentation de la formation initiale qu’elle est chargée de dispenser et sur un rapide retour sur la dernière vague de désignations complémentaires. Il nous a à ce propos été précisé que l’arrêté de nomination était attendu pour la mi-octobre 2023.

A nous donc désormais de guetter les prochaines publications du journal officiel pour s’assurer de  la bonne parution du texte et pour vérifier que les noms des candidats que nous avons présentés y figurent tous.

Puis, elle s’est achevée par le traitement de deux questions diverses posées par la CFDT :

- l'une demandant à ce que les remboursements de frais de déplacement soient bien calculés entre le domicile, le lieu de travail et le conseil de prud'hommes d'affectation. Requête justifiée par le fait que certaines cours d'appel se sont subitement mises à calculer de tels remboursements, non plus en fonction des adresses exactes mais en fonction des communes où se situent ces différents lieux - domicile, lieu de travail et conseil de prud'hommes d'affectation-. Ce qui s’avère être particulièrement défavorable aux conseillers prud'hommes concernés.

Le ministère de la justice nous a précisé que ces pratiques n'étaient effectivement pas conformes et que les frais de déplacement devaient bien être calculé en se référant aux adresses exactes des domicile, lieux de travail et conseil de prud'hommes d'affectation. Les situations préjudiciables subies par certains de nos conseillers prud'hommes devrait donc rapidement être corrigées.

- l'autre demandant à ce que les activités administratives des présidents / vice-présidents de conseil de prud'hommes puissent être réalisées hors-les-murs de la juridiction sans qu'il y ait lieu pour les intéressés de faire une demande préalable au greffe et de détailler leurs activités au sein d'un document séparé du relevé des temps d'activité indemnisables.

Là encore le ministère de la justice nous a précisé que de telles pratiques n'étaient pas conformes et que le renseignement du document des temps d'activité indemnisables devait suffire. Les présidents et vice-présidents concernés par ces tracasseries administratives devraient donc, eux aussi, voir leur situation corrigée.