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Conseil supérieur de la prud’homie du 6 février 2024 : la CFDT dessine les contours de l’ordre du jour

Publié le 15/02/2024

Le Conseil supérieur de la prud’homie a tenu séance le 6 février dernier. La toute première de 2024. Une année qui, pour le gouvernement, commence piano piano car, disons-le, ce Conseil n’avait jamais eu à connaître d’un ordre du jour aussi indigent : une présentation de la synthèse du groupe de travail relatif à la procédure de contestation des avis rendus par les médecins du travail… et les questions diverses. Rien de plus. Cela aurait pu conduire à une séance bien vite expédiée. Sauf que nous avons « profité » de ce trou d’air pour alimenter les débats de nombres de questions qui, pour la plupart, remontent de nos unions régionales.

Questions diverses. En droit, « l'ordre du jour du Conseil supérieur de la prud'homie est fixé par son président »[1] ; président qui, rappelons-le, est issu du conseil d’Etat. Mais en fait, la CFDT agit pour que les organisations syndicales et professionnelles aient, elles aussi, la possibilité de participer à son élaboration. Action que le Conseil supérieur de la prud’homie du 6 février dernier illustre parfaitement bien. L’ordre du jour tel qu’établi par sa présidence ne comprenant qu’un seul et unique point, ce sont en effet les organisations syndicales et professionnelles -au premier rang desquelles la CFDT- qui sont venus combler le vide. Preuve s’il en était besoin de la nécessité qu’il y a de nous accorder une place plus conséquente dans l’établissement de ce fameux ordre du jour… Plus conséquente et donc bien au-delà du champ des questions diverses dans lequel nous sommes aujourd’hui réglementairement cantonnés.

Préalablement à l’ouverture des débats, il a été annoncé par les ministères du travail et de la justice, la nomination à venir d’un nouveau président ou d’une nouvelle présidente et celle -déjà active- d’une nouvelle représentante du ministère de la justice (bureau RHN4) : madame Valérie Gaillot-Mercier.

La présentation de la synthèse du groupe de travail relatif à la procédure de contestation des avis rendus par les médecins du travail

Le ministère du travail a rappelé le double objectif qui avait été assigné à ce groupe de travail :

- recenser les difficultés rencontrées ;

- dessiner des axes d’évolution à loi constante.

Avant d’indiquer que 21 propositions avaient in fine pu être formulées : 7 relatives à la prévention du contentieux, 4 relatives à la facilitation de l’accès à l’expertise médicale et 5 relatives à l’amélioration du fonctionnement de la procédure actuelle. Les 5 dernières ayant été « classées hors mandat » car nécessitant une évolution législative[2].

Une fois cette brève présentation réalisée, la CFDT est intervenue sur deux points :

1e point : les propositions « classées hors mandat » ont malgré tout été décomptées au nombre des propositions formulées par le groupe de travail. Aussi, une question se pose : ont-elles in fine une chance d’être retenues par l’administration ? Question d’autant plus importante pour nous que, sur les 5 propositions « classées hors mandat », la CFDT en a proposé deux -le retour au système anté-2016 et l’instauration d’une phase précontentieuse obligatoire- et en soutient une autre -la prise en charge des frais d’expertise par le service de santé au travail à l’origine de l’avis-.

2e point : à quel moment des décisions concrètes d’évolution seront-elles proposées à l’avis du Conseil supérieur de la prud’homie ?

Le ministère du travail a répondu :

- qu’il n’était pas favorable à une modification législative et encore moins de revenir au système anté-2016 qui donnait compétence en la matière aux inspecteurs du travail. Ce en arguant des difficultés qu’il y a à mobiliser des ressources de ce côté-là. Et qu’en conséquence, il fallait plus surement s’attendre à des propositions de réajustements réglementaires et d’amélioration des outils et documents aujourd’hui existants.

- qu’il est dans l’impossibilité de nous fixer aujourd’hui l’échéance à laquelle des propositions pourront nous être faites ; le remaniement ministériel en cours n’ayant pas encore permis au cabinet du ministre du travail de se positionner.

En clôture de ces échanges, la CFDT a appuyé une demande du Medef sollicitant une modification des textes de loi actuels. Puisque ce serait là la meilleure voie pour rendre réellement opérationnelle la procédure de contestation des avis rendus par les médecins du travail.

Les questions diverses

1e question, posée par FO

Le statut de défenseur syndical est-il être déclinable dans son application au territoire de Wallis et Futuna ?

Réponse de l’administration : la réflexion est en cours. S’agissant d’un sujet de compétence territoriale, la DGT a entendu saisir la direction générale des outre-mer (DGOM) et elle est pour l’heure dans l’attente de sa réponse.

2e question, posée la CFDT

Par méconnaissance de la procédure dans laquelle ils doivent inscrire leur demande, nombre de défenseurs syndicaux se tournent vers leurs syndicats afin de solliciter le remboursement des frais qu’ils exposent à l’occasion de leur mandat. Aussi serait-il utile de communiquer à chaque défenseur syndical nouvellement désigné un document rappelant les tenants et aboutissants de la procédure de remboursement, un exemplaire des documents requis et l’adresse à laquelle ils doivent être expédiés.

Réponse de l’administration : la communication en la matière a en effet besoin d’être affinée. Un document d’information va donc être élaboré ainsi que des flyers. Ils seront joints aux envois faits par les Dreets aux défenseurs syndicaux et ils seront par ailleurs accessibles sur leurs sites internet.

3e question, posée par la CFDT, la CGT et FO : les stages de formation suivis avant leur nomination par les conseillers prud’hommes nommés en décembre 2023 pourront-ils être décomptés comme jours de formation continue ?

Réponse de l’administration : à titre exceptionnel, et compte tenu de la tardivité de publication du dernier arrêté de nomination, les journées stagiaires comptabilisées pour les conseillers prud’hommes nommés en décembre 2023 seront pris en charge par la DGT, même si elles ont été suivies préalablement à leur nomination. Un courrier de confirmation sera en ce sens adressé aux organismes de formation concernés.

4e question, posée par la CFDT 

L’article L. 1453-1 A du Code du travail précise que « les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter devant le conseil de prud'hommes (…) par : 1° les salariés ou les employeurs appartenant à la même branche d'activité (…) ». Dans le même sens, son article R. 1453-2 précise que « les personnes habilitées à assister ou à représenter les parties sont : 1° les salariés ou les employeurs appartenant à la même branche d'activité (…) ». Lorsqu’on lit ces deux textes, l’on croit comprendre que les parties -employeur comme salarié- peuvent se faire assister aussi bien par un employeur que par un salarié. Ainsi un salarié pourrait se faire assister par un salarié ou un employeur de la même branche d’activité. De même qu’un employeur pourrait lui aussi se faire assister par un employeur ou un salarié de la même branche d’activité. Le site du ministère du travail ne semble pas retenir une telle lecture, contrairement au site du 1e ministre. Qu’en est-il juridiquement ?  

Réponse de l’administration : au vu de la rédaction de ces deux articles du Code du travail, l’assistance ou la représentation d’un salarié par un employeur ou d’un employeur par un salarié de la même branche d’activité est possible à partir du moment où la personne qui assiste ou qui représente dispose bien d’un mandat spécial pour ce faire.

5e question, posée par la CFDT et la CFE-CGC 

A quel moment la circulaire du 31 juillet 2014 relative à l’indemnisation des conseillers prud’hommes pourra-t-elle être révisée, notamment s’agissant des difficultés liées aux temps d’étude post-audience et pré-délibéré, aux temps de repos des conseillers prud’hommes exerçant en posté, aux activités autorisées -ou non- pendant les arrêts de travail, à la gestion des frais de déplacement des conseillers prud’hommes ou  bien encore au remboursement des frais de parking auxquels les conseillers prud’hommes peuvent être soumis. 

Réponse de l’administration : au vu de la revalorisation du taux de vacation qui est intervenue en janvier de cette année, il y a désormais une « urgence moins grande » à réouvrir le chantier de l’indemnisation.

Réaction de la CFDT : nous nous sommes offusqués d’une telle réponse et nous avons rappelé à l’administration que le montant de la vacation n’avait jamais été pour nous l’alpha et l’omega du dossier indemnisation des conseillers prud’hommes. Une nouvelle fois, nous avons rappelé que l’indemnisation des conseillers prud’hommes n’était pas seulement une question budgétaire. Une nouvelle fois, nous avons rappelé que le système d’indemnisation mis en musique par la circulaire -de 2014- est antérieur à la réforme de la procédure prud’homale -de 2016- et donc inadaptée à elle. Las, nous avons une nouvelle fois demandé à ce que les conclusions partagées du groupe de travail de 2018 soient enfin traduites en projet de réforme. Et que ce dossier soit réouvert afin d’aborder les questions qui se sont posées depuis. S’agissant plus précisément des frais de parking dont doivent d’acquitter certains conseillers prud’hommes, nous avons souligné que dès lors qu’un conseiller prud’hommes est autorisé à user de sa voiture et que ses frais kilométriques sont remboursés, alors ses frais de parking devraient l’être également, sans que cette question ne soit laissée au libre arbitrage des chefs de cour. Or, à Nancy et à Rennes, des conseillers prud’hommes doivent prendre à leur charge les frais de parking, ce qui est manifestement anormal.

6e question, posée par la CFDT

Le SAR de Rennes a décidé de rembourser les frais de déplacement des conseillers prud’hommes en se fondant sur une base mairie du lieu de résidence ou du lieu de travail / conseil de prud’hommes alors même qu’il avait été acté lors du Conseil supérieur de la prud’homie du 12 décembre 2023 que c’était la règle « adresse à adresse » qu’il y a avait lieu d’appliquer. Serait-il possible de le rappeler au SAR de Rennes ?

Réponse de l’administration : s’agissant des conseils de prud’hommes, ce sont bien les distances adresse des domiciles, adresse des entreprises et adresse des conseils de prud’hommes qui doivent être prises en considération. La règle sera donc rappelée pour correction au Sar de Rennes.

7e question, posée par la CFDT 

Le SAR de Rennes toujours refuse désormais de rembourser en indemnités kilométriques les frais de déplacement des conseillers prud’hommes exerçant au conseil de Rennes et dont la résidence se situe dans l’une des 9 communes de la métropole desservies par les transports en commun (métro, bus). En conséquence : Soit ils prennent les transports en commun et ils sont remboursés sur la base tarifaire des transports en commun, soit ils ne prennent pas les transports en commun et ils ne sont pas remboursés de leurs frais de déplacement. Certes, la circulaire du 31 juillet 2014 précise que « les conseillers prud’hommes peuvent être autorisés à utiliser leur véhicule personnel en l’absence permanente ou temporaire de transports en commun ». Mais elle précise également qu’ils peuvent l’être « lorsque l’usage du véhicule personnel permet de réaliser un gain de temps appréciable ». Or, dans 5 des 9 communes concernées, le temps moyen de déplacement est deux fois plus élevé en transport en commun qu’en déplacement individuel. Quelle solution pourrait ici être trouvée ?

Réponse de l’administration : dans la zone constituée des 9 communes limitrophes, c’est bien un remboursement transport en commun qui doit trouver lieu à s’appliquer, sans prise en compte de la notion de « gain de temps appréciable ». C’est seulement au-delà de cette zone que cette notion trouve à s’appliquer.

Réaction de la CFDT : en l’espèce, nous ne comprenons pas pourquoi la notion de « gain de temps appréciable » ne trouve pas à s’appliquer aux 9 communes limitrophe et nous nous interrogeons sur la base légale d’une telle décision.

8e question, posée par la CFDT 

Les conseillers prud’hommes se trouvent contraints d’user d’outils informatiques afin d’exercer leurs fonctions (suivi à distance de la formation initiale, rédaction des décisions…). Or, tous ne sont pas équipés d’ordinateurs ; leurs fonctions professionnelles ne leur imposant pas nécessairement d’en être dotés. Nous souhaiterions donc que soit envisagée la possibilité pour les conseillers prud’hommes de bénéficier d’une dotation de 200 € afin de les aider à s’équiper.

Réponse de l’administration : des questionnaires seront envoyés au chef de cours courant 2024 pour établir un état des lieux et avoir une meilleure visibilité sur les besoins des conseillers prud'hommes. En fonction des résultats de cette enquête il faudra voir comment une telle dotation pourrait trouver à s'inscrire dans le cadre du budget 2025.

9e question, posée par la CFDT 

Il est prévu qu’en cas de « circonstances exceptionnelles », les conseillers prud’hommes qui n’auraient pas pu suivre la partie « présentielle » de leur formation initiale puissent bénéficier de sessions de rattrapage (cf. note relative à la mise en œuvre de la formation initiale des conseillers prud’hommes dans le cadre du renouvellement général de 2022 à la page 11). Les formations de rattrapage en question semblent devoir être organisées avant fin avril 2024 (mois au terme du duquel expirera le délai de 15 mois de suivi de la formation initiale). Or, certains conseillers prud’hommes sont en arrêt maladie depuis le début de 2023 et le seront encore à la fin du mois d’avril 2024. Que se passe-t-il pour eux ? Auront-ils la possibilité de suivre une session de rattrapage à l’issue de leur arrêt-maladie ?

Réponse de l'administration : L’ENM organise actuellement des sessions de rattrapage pour les conseillers prud’hommes n’ayant pas pu suivre les sessions initialement organisées. Mais elles doivent être suivies avant que la période de 15 mois n’expire. Cette période ne saurait en effet connaître de dérogation, aucune prolongation au-delà n’étant légalement autorisée. Le ministère de la justice rappelle également que cette formation ne peut en aucun cas être suivie par un conseiller prud’hommes placé en arrêt maladie.

Le ministère de la justice admet cependant que le délai de prévenance d’un mois actuellement pratiqué est trop court et qu’il conviendrait donc de l’allonger.

10e question, posée par la CFDT 

Serait-il possible de faire un bilan de la DC 1 ? Et d’esquisser un calendrier pour la DC 2 ?

Réponse de l’administration : le calendrier de la DC 2 est en cours de finalisation mais il est percuté par la fin de la période de formation initiale des nouveaux conseillers prud'hommes, par l'établissement de la liste de ceux qui n’auront pas terminé de suivre cette formation et qui seront de ce fait frappés d'incapacité… et réputés démissionnaires.

Cette liste, dont on ignore pour le moment si elle sera -ou non- conséquente, devrait pouvoir être établie au 1e mai 2024.

La période de dépôt des candidatures courra :

- soit du 17 mai au 1e juillet ;

- soit du 1e juin au 1er juillet.

La 2e option pourrait être retenue afin de pouvoir tenir compte des sièges qui auront été libérés du fait des incapacités générées par les conseillers prud’hommes n’ayant pas achevé le suivi de leur formation dans les temps requis.

Dans tous les cas, l’arrêté de nomination sera publié à la mi-octobre 2024.

Le ministère de la justice a pu nous confirmer que, pour la DC 2, les règles nouvelles de présentation des candidats inactifs dans les conseils de prud’hommes limitrophes à celui du ressort de leur domicile[3], d’une part, et de parité femmes / hommes, d’autre part, seront bien en application[4].

 

Les sièges des conseillers prud’hommes ayant démissionné ne pourront être ré-ouverts à désignation lors de la DC 2 que si ces démissions sont remises au plus tard le 15 avril 2024.  

11e question, posée par la CFDT

Eu égard à la règle limitant le nombre de mandats exercés dans un seul et même conseil de prud’hommes, un conseiller prud’hommes qui, au cours du mandat, démissionne puis se fait redésigner via une DC se voit-il décompter un seul mandat ou autant de mandats qu’il y aura eu de nominations ? Pour nous, il convient de ne décompter qu’un seul mandat mais nous souhaitons savoir si le ministère de la justice partage notre lecture.

Réponse de l’administration : à la base, cette lecture n’est pas partagée. Pour le ministère de la justice, une désignation = un mandat. Ainsi un conseiller prud’hommes qui serait amené à démissionner en cours de mandature puis à être redésigné se verrait décompter deux mandats pour une seule et même mandature.

Réaction de la CFDT : nous avons rappelé que, pour nous, c’est le principe une mandature = un mandat qui devrait primer. Le ministère de la justice l’a entendu et pourrait évoluer dans son positionnement.

12e question, posée par la CGT 

Un point pourrait-il être fait sur les délais déraisonnables de procédure et sur la responsabilité de l’Etat telle qu’elle se trouve de ce fait engagée ?  

Réponse de l’administration : les délais de traitement des dossiers doivent impérativement être réduits. C'est là une absolue nécessité. Le jugement rendu le 14 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Paris[5] nous le rappelle. Dans cette affaire qui traite de 1 320 jugements (pas seulement prud’homaux), rendus entre 2013 et 2016, l'Etat a été condamné sur la base de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDHLF) à environ 6 800 000 € de dommages et intérêts.

Pour parer à ces difficultés de fonctionnement, 10 000 recrutements sont attendus à horizon 2027.

 

[1] Art. R. 1431-14 du Code du travail,

[2] Les propositions émises par le groupe de travail sont jointes au présent article.

[3] Art. L. 1441-11 alinéa 2 du Code du travail.

[4] Art. L. 1441-29 du Code du travail.

[5] TJ Paris, n° 23/08541.