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Avis d’inaptitude : l’importance des précisions du médecin du travail

Publié le 17/01/2024

Par un arrêt du 13 décembre 2023, la Cour de cassation est venue compléter sa jurisprudence relative aux avis d’inaptitude dans leur version en vigueur depuis la loi du 8 août 2016. Elle vient de décider que l’employeur reste tenu de rechercher un reclassement pour le salarié inapte lorsque le médecin du travail a précisé que l’inaptitude empêchait un reclassement sur le site, ceci alors même qu’il avait également coché la case « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». Cass.soc. 13.12.23, n°22-19603

Bref rappel des règles en vigueur

Pour mémoire, depuis la loi précitée, dite loi El Khomri, l’employeur peut être dispensé de rechercher un reclassement pour un salarié inapte dans les situations visées à l’article L. 1226-2-1 du Code du travail. Il s’agit notamment du cas où le médecin du travail a expressément mentionné dans l’avis que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. La Cour de cassation a d’ailleurs confirmé que dans une telle situation, l’employeur est bien dispensé de rechercher et de proposer des postes de reclassement (Cass.soc. 08.02.23, n°21-19232).                                     

 Rappel des faits

Dans l’affaire ici commentée, un employeur a licencié un salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Celui-ci s’est appuyé sur l’avis de médecin du travail, lequel avait coché la fameuse case « l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». 

Mais l’employeur a omis une précision importante du médecin du travail qui mentionnait également que l’état de santé du salarié « fait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi ». Le salarié s’est alors saisi de cette mention pour contester son licenciement devant le conseil de prud’hommes. Selon lui, l’employeur aurait dû rechercher un reclassement en dehors du site sur lequel il travaillait, dans les autres établissements de l’entreprise.

Il obtient gain de cause devant les juges du fond. 

Considérant qu’il avait été intégralement dispensé de son obligation de reclassement du fait que le médecin du travail ait coché la case selon laquelle « l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », l’employeur a décidé de se pourvoir en cassation. 

La Cour de cassation a donc du répondre à la question suivante : lorsque l’avis d’inaptitude mentionne que le reclassement est impossible sur le site, en complément d’une case cochée indiquant que l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi reclassement, l’employeur reste-t-il tenu d’un obligation de reclassement sur le reste de l’entreprise ?

Une obligation de reclassement maintenue en dehors du site de travail du salarié

Revenons sur l’analyse des juges d’appel : 

Ces derniers ont commencé par relever le double contenu de l'avis d'inaptitude : 

- une case cochée indiquant que l’état de santé rend impossible tout reclassement dans un emploi ;

- et une précision du médecin du travail selon laquelle l’inaptitude fait obstacle « sur le site » à tout reclassement dans un emploi. 

Ils ajoutent que « l’avis ne vaut que pour le site en Mayenne » et relèvent « que l’employeur dispose d’autres établissements ».

Puis en déduisent que l’employeur n’était pas dispensé, par l'avis d’inaptitude du médecin du travail limité à un seul site, de rechercher un reclassement hors de l’établissement auquel le salarié était affecté et avait ainsi manqué à son obligation de reclassement. 

Autrement dit, l’employeur est bien dispensé de rechercher un reclassement pour le salarié déclaré inapte, mais uniquement sur le site sur lequel il travaillait, et l’obligation de reclassement demeure entière sur le reste des sites de l’entreprise. 

Ce raisonnement est intégralement validé par la Cour de cassation qui s’inscrit ainsi dans la continuité de sa jurisprudence en la matière. Elle a en effet déjà considéré que l’employeur n’est pas dispensé de rechercher un reclassement au sein des entreprise du groupe, ceci lorsque le médecin du travail avait précisé que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans cette entreprise (1).

Ces arrêts de la Cour de cassation sont particulièrement intéressants en ce qu’ils tendent à la fois :

- à donner un véritable poids aux précisions que le médecin du travail peut apporter sur l’avis d’inaptitude, que l’employeur se doit de suivre au risque d’être sanctionné ;

- et à circoncire les dispenses de recherche de reclassement lorsque précisément le médecin du travail aura pris le soin de préciser par exemple le périmètre dans lequel le reclassement est impossible. 

 

(1) Cass.soc. 08.02.23, n°21-11356