Salarié protégé : l’annulation de l’autorisation de licenciement prive d'effet la demande de résiliation judiciaire

Publié le 30/11/2021

Les juges prud’homaux ne peuvent se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail si le salarié protégé n’a pas demandé au juge administratif sa réintégration suite à l’annulation de l’autorisation de son licenciement survenu entretemps. Peu importe que le juge judiciaire soit le premier à être saisi : le contrat est déjà rompu et ne peut ouvrir droit au cumul des indemnités !

C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation. Cass.soc.10.11.21, n°20-12.604.

Un salarié protégé demande la résiliation judiciaire de son contrat, puis il est licencié…

Un salarié protégé saisit la juridiction prud’homale pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Et voilà : quelques temps après sa saisine du conseil de prud'hommes, il est licencié pour faute. L'autorisation de licenciement est contestée devant le juge administratif qui l'annule, avec pour conséquence la possibilité pour le salarié d'être réintégré. Mais, tel n’est pas son choix... Ce qu'il souhaite, c'est poursuivre la demande de résiliation judicaire de son contrat de travail devant le juge judiciaire.

Pour la cour d’appel, la demande de résiliation judiciaire du contrat demeure possible

La cour d’appel fait droit à cette demande. Elle reconnaît que l’employeur a manqué à son obligation de bonne foi. Elle octroie alors au salarié protégé 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et 234 726 euros de dommages et intérêt pour violation de son statut protecteur.

L’employeur décide de se pourvoir en cassation, car selon lui, le contrat de travail du salarié protégé est déjà rompu du fait de son action devant le juge administratif. Et il peut déjà, à ce titre, bénéficier d’indemnités.

Aujourd’hui, la jurisprudence est claire : en vertu du principe de séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut plus se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire lorsque le salarié a fait l’objet d’un licenciement autorisé par l’administration (1).

En est-il de même en cas d’annulation de l’autorisation administrative et ce, sans que le salarié soit réintégré ?

Pour la Cour de cassation, la demande de résiliation judiciaire est sans objet

C’est au visa des articles L. 2422-4, L. 2411-1 et 2411-22 du Code du travail et de l’article 1184 du Code civil que la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel et donne ainsi tort aux juges du fond.

Le fait que le salarié protégé n’ait pas demandé sa réintégration suite à l’annulation de l’autorisation de son licenciement produit l’effet d’un licenciement. Le contrat de travail du salarié protégé est alors rompu !

La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail même antérieure au licenciement n’a plus d’objet. 

Interdiction de cumuler les indemnités

Le salarié ne peut également cumuler les indemnités.

La Cour de cassation précise que suite à l’annulation de son autorisation de licenciement et à son refus d’être réintégré, le salarié est en droit de demander une indemnité égale à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l’expiration du délai de 2 mois suivant l’annulation de son autorisation de licenciement (L.2422-4). Il peut aussi prétendre au paiement des indemnités de rupture, s’il n’en a pas encore bénéficié, ainsi qu’à l’indemnité de licenciement sans cause réelle, s’il est établi qu’au moment du prononcé son licenciement en était dépourvu (L.1235-3).

Il n’est pas possible, pour le salarié, de demander en plus les indemnités résultant d’une résiliation judiciaire du contrat de travail.

Cette solution, très logique, de la Cour de cassation n’est pas nouvelle. Un arrêt de 2017 avait déjà apporté la même solution lors d’une situation identique (2) .

 

 

(1) Cass.soc.29.09.10, n°09-41.127 ; Cass.soc.19.01.11, n°09-40.424.

(2) Cass.soc.11.1017, n°16-14.529.

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