Contestation du nombre des établissements distincts : il faut partir du bon pied !

Publié le 17/03/2021

Lorsque l’employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, sa décision peut être contestée devant le Direccte, et la décision administrative peut faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire. Toutefois, si le Direccte a rendu une décision, après sa saisine par des sections syndicales dépourvues de la personnalité morale et du droit d’agir, le juge judiciaire - s’il est saisi à son tour - ne peut déterminer lui-même le nombre et le périmètre des établissements distincts.

Il ne peut qu’annuler la décision du Direccte irrégulièrement saisi. Cass.soc.3.3.21, n°19-21086.

Les faits

Un employeur a fixé le nombre des établissements distincts pour les élections professionnelles à 3. Les sections syndicales de l’entreprise ont saisi le Direccte pour contester le nombre et le périmètre des établissements ainsi fixés par décision unilatérale.

Le Direccte ayant confirmé la décision de l’employeur, les syndicats ont décidé de saisir le tribunal judiciaire (à l’époque, le tribunal d’instance) pour contester la décision du Direccte.

Le tribunal d’instance a accueilli leur demande et annulé la décision du Direccte, entre autres du fait que les sections syndicales n’étaient pas habilitées à contester la décision de l’employeur. Dans sa décision, le juge a en outre fixé le nombre d’établissements à 12.

La société a formé un pourvoi en cassation, estimant que le juge ne pouvait, après avoir annulé la décision du Direccte irrégulièrement saisie, fixer lui-même le nombre des établissements.

En l’absence d’accord déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts, le Code du travail prévoit qu’il revient à l’employeur de « fixer le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement » (art. L2313-4).
A charge pour les syndicats représentatifs dans l’entreprise et les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou, dans certaines hypothèses, le CSE, de contester la décision unilatérale de l’employeur devant le Direccte (art. R2313-1).
Les sections syndicales n’ont donc pas la qualité pour saisir le Direccte.

 

Un juge judiciaire cantonné dans un rôle d’annulation de la décision du Direccte

Lorsque le juge annule une décision du Direccte, irrégulièrement saisi par des sections syndicales, peut-il déterminer lui-même le nombre et le périmètre des établissements ?

Saisie par les syndicats et les fédérations concernées, c’est à cette question que la Cour de cassation était invitée à répondre.

La Haute juridiction rappelle tout d’abord qu’en cas de litige sur la décision de l’employeur, le Direccte fixe le nombre et le périmètre des établissements, sous le contrôle du juge judiciaire, seul compétent en ce domaine.

L’article L.2313-5 du Code du travail attribue en effet une compétence exclusive au juge judiciaire sur ces questions.

La Cour précise également que seules les organisations syndicales représentatives et celles ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise (ou le CSE lorsque la négociation sur les établissements s’est engagée avec lui) peuvent contester la décision de l’employeur.

Elle donne donc raison au tribunal d’instance d’avoir annulé la décision du Direccte, puisque celui-ci avait été irrégulièrement saisi par les sections syndicales, qui n’y sont pas habilitées et n’ont pas la personnalité morale.

Cependant, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond en ce qu’ils se sont octroyés le pouvoir de prendre une nouvelle décision, se substituant à celle du Direccte.

Pour la Haute juridiction, « lorsque le juge annule la décision du Direccte fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts de l’entreprise en raison de la saisine de celui-ci par des parties dépourvues de la personnalité juridique et, dès lors, du droit d’agir, il ne peut statuer, à nouveau, sur ce nombre et ce périmètre, par une décision se substituant à celle de l’autorité administrative ».

La décision est sévère en ce que le vice d’origine (si le Direccte avait été saisi par les sections, le juge avait quant à lui été régulièrement saisi par les syndicats) paralyse le droit des syndicats - ou du CSE - d’agir utilement par la suite.

Ainsi, la saisine du juge judiciaire contre la décision du Direccte ne pourra-t-elle dans ce cas aboutir qu’au rétablissement de la décision initiale de l’employeur…

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