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Syndicats: l’indépendance, un critère permanent et « en même temps » temporaire

Publié le 25/10/2017

Le critère d’indépendance, que doit remplir un syndicat pour être reconnu représentatif, voire simplement pour présenter une liste aux élections professionnelle, est un critère qui doit être satisfait de manière permanente, mais qui peut être apprécié et reconnu comme étant satisfait au moment de l’exercice d’une prérogative, et ce, quand bien même une décision antérieure aurait admis le défaut d’indépendance du syndicat. Cass.soc.27.09.17, n°16-60238 et n°16-60264.

  • Faits, procédure et prétentions

La question de la nature du critère d’indépendance s’est posée dans deux affaires récentes.

Dans la première affaire, l’indépendance du syndicat Unsa Lancry Protection Sécurité était contestée à l’occasion d’une demande d’annulation des listes électorales par le syndicat des employés de la prévention et de la sécurité-CFTC.

Le tribunal d’instance a rejeté ces demandes, considérant que l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 juin 2015, constatant le défaut d’indépendance de l’UNSA, ne suffisait pas à établir son défaut d’indépendance lors des élections contestées, lesquelles s’étaient tenues en mars et avril 2016.

Dans la deuxième affaire présentée le même jour à la Cour de cassation, la désignation d’un délégué syndical par le syndicat Unsa Lancry Protection Sécurité était également contestée par le syndicat CFTC. De la même manière, le tribunal d’instance saisi avait lui aussi rejeté la demande, considérant que la décision de 2015 n’était pas une preuve suffisante du défaut d’indépendance au moment de la désignation du délégué syndical.

 

L’indépendance est un critère de représentativité, qui figure à l’article L.2121-1 du Code du travail. Ce critère, qui est instrinsèque à la qualité de syndicat, doit être satisfait de manière « autonome » et le défaut d’indépendance peut suffire à disqualifier un syndicat. Il sert à l’exercice de toutes les prérogatives liées à la représentativité syndicale (désignation d’un délégué syndical, capacité de signer des accords seul ou avec d’autres selon l’audience recueillie...), mais il est aussi une condition indispensable, avec le respect des valeurs républicaines et la transparence financière, pour pouvoir présenter des listes aux élections.

Dans les deux cas, un pourvoi a été formé.

  • L’indépendance, critère permanent et... temporaire

L’absence d’indépendance du syndicat, constatée par le passé par décision de justice, suffisait-elle à disqualifier le syndicat lors de l’exercice ultérieur d’une prérogative (désignation d’un délégué syndical dans une des affaires, présentation d’une liste aux élections dans l’autre) ?

Telle était la question soumise à la Haute juridiction dans ces deux affaires.

Qui plus est, depuis une décision datant de 2013, la Cour de cassation considère que, parmi les critères de représentativité, ceux « tenant au respect des valeurs républicaines, à l'indépendance et à la transparence financière doivent être satisfaits de manière autonome et permanente » (1).

Si le critère de l’indépendance doit-être satisfait de manière « permanente », cela implique-t-il que le syndicat soit disqualifié pour toute la durée du cycle électoral ?

Ce n’est pas la réponse apportée par la Cour de cassation dans nos affaires. Reprenant pour partie l’attendu de 2013 quant au caractère autonome et permanent du critère d’indépendance, la Haute juridiction décide, par deux attendus identiques, que : « l’absence d’indépendance judiciairement établie d’un syndicat lors de l’exercice d’une prérogative syndicale ne le prive pas de la possibilité d’exercer ultérieurement les prérogatives liées à la qualité d’organisation syndicale dès lors qu’il réunit, au moment de l’exercice de ces prérogatives tous les critères visés ».

Autrement dit, l’indépendance d’un syndicat doit être établie de manière permanente et il ne suffit pas que le syndicat soit reconnu indépendant à un "instant T" (par exemple, à l’occasion de la présentation des listes). L’indépendance peut être contestée lors de l’exercice de chaque prérogative attachée (élection, désignation d’un délégué, création d’une section...).

En revanche, l’indépendance peut aussi être reconnue ultérieurement à l’occasion de l’exercice d’une prérogative, alors même que le défaut d’indépendance avait été établi par décision de justice quelque temps auparavant.

Cette qualité d'indépendance doit donc toujours être satisfaite, mais son défaut n’est pas permanent. Contrairement, au critère de l’audience par exemple, qui ne peut être satisfait en cours de cycle, l’indépendance est appréciée au moment de l’exercice de chaque prérogative. A charge pour celui qui la conteste de prouver le défaut d’indépendance (2).

 

(1)   Cass. soc.14.11.03, n°12-29984.
(2)   Cass. soc.10.05.12, n°11-17574.