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Elections : les moyens syndicaux doivent être identiques au sein de chaque établissement

Publié le 10/10/2018

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a jugé que le principe d'égalité de traitement entre les organisations syndicales quant aux moyens alloués par l'employeur en vue des élections professionnelles s'applique dans le périmètre de ces élections et, de ce fait, au sein de chaque établissement distinct lorsque l'entreprise dispose de plusieurs établissements. Dès lors, l’attribution de moyens identiques à tous les syndicats au sein de l’établissement n’est pas contraire au principe d’égalité de traitement. Cass.soc. 20.09.2018, n°17-60.306.

  • Faits et procédure

Dans le cadre des négociations menées en vue de la conclusion d’un protocole d’accord préélectoral au sein d’un établissement distinct, l’employeur a pris l’engagement de verser à chaque organisation syndicale la somme de 1 000 € et de les doter d’un crédit de 70 heures de délégation. Il est à noter que ces moyens étaient différents de ceux accordés dans d'autres établissement distincts de l'entreprise.

La loi prévoit que l’employeur ou ses représentants ont l’interdiction d’exercer une quelconque pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale (1). Ainsi, dans le cadre des élections professionnelles, l’employeur doit-il respecter un principe de neutralité. Il peut octroyer des moyens aux organisations syndicales en application du protocole d’accord préélectoral ou d’un engagement unilatéral, dès lors qu’il respecte le principe d’égalité de traitement.

Suite à l’échec des négociations, l’employeur a saisi le tribunal d’instance afin qu’il définisse les modalités d’organisation des élections professionnelles. A cette occasion, les organisations syndicales des autres établissements de l’entreprise ont demandé à obtenir des moyens identiques. Par ailleurs, un syndicat a soutenu qu’en fonction du principe de neutralité et d’égalité de traitement, les moyens alloués aux syndicats auraient dû être adaptés aux spécificités existantes au sein de chaque établissement.  La dotation aurait dû tenir compte de la possibilité, pour le syndicat, de présenter des listes dans chacun des collèges.

Les juges du fond ont débouté les syndicats de leurs demandes et ont validé l’engagement de l’employeur au sein de l’établissement (pour rappel, 1000 € et 70 heures par syndicat).

 

  • Des moyens accordés par le PAP ou  par une décision unilatérale de l’employeur

Pour rendre sa décision, le tribunal se fonde sur trois arguments principaux.

-    Tout d'abord, il considère que dans le cadre des élections professionnelles, aucune disposition légale ne prévoit l’attribution aux syndicats de moyens particuliers et qu’ainsi, en dehors de l’existence d’une disposition conventionnelle de ce type, l’attribution de tels moyens ne peut résulter que du protocole d’accord préélectoral ou d’une décision unilatérale de l’employeur. Le tribunal ne saurait donc modifier ces dotations.

-       Les juges poursuivent en affirmant qu’en tout état de cause, lorsque les négociations des protocoles d’accord préélectoral s’engagent au niveau des établissements distincts, les résultats de ces négociations peuvent être différents sans que cela ne contrevienne au principe d’égalité de traitement entre les établissements. Ainsi, l’employeur pouvait-il tout à fait allouer des moyens différents aux syndicats entre les différents établissements distincts.

-       Enfin, le tribunal estime qu’en accordant des moyens identiques à chaque organisation syndicale au sein d’un même établissement, l’employeur se conforme à son obligation de neutralité et ne méconnaît pas le principe d’égalité de traitement.  

C’est ainsi que l’un des syndicats de l’établissement concerné se pourvoit en cassation. A l’appui de son pourvoi, le syndicat fait valoir que les juges du fond n’ont pas recherché en quoi les différences existantes entre les établissements distincts de l’entreprise justifiaient des différences de moyens accordés aux organisations syndicales à l’occasion des élections. De plus, selon le syndicat, les juges auraient dû vérifier que chacune des organisations bénéficiaires au sein de l'établissement concerné avait statutairement la possibilité de présenter des listes dans chacun des collèges.  

La Haute juridiction devait répondre à deux types de questions.

-   Quel est le périmètre d’appréciation du principe d’égalité de traitement entre les organisations syndicales dans le cadre des élections professionnelles ?

L’attribution de moyens identiques à tous les syndicats au sein d’un même établissement est-elle contraire à ce principe ?

 

  • Des moyens identiques pour les syndicats d’un même établissement

La Cour de cassation rejette le raisonnement du syndicat et approuve celui du tribunal. Selon elle, « le principe d'égalité de traitement entre les organisations syndicales quant aux moyens alloués par l'employeur en vue des élections professionnelles s'applique dans le périmètre de ces élections ». C’est donc en toute logique le cadre de l’établissement distinct qui doit être choisi pour apprécier le respect de ce principe, dans la mesure où l’entreprise est divisée en établissements distincts. En d’autres termes, dans une telle entreprise, l’employeur peut accorder des moyens différents d’un établissement à un autre dès lors qu’il respecte l’égalité entre les organisations d’un même établissement.

En outre, la chambre sociale précise que « l’attribution de moyens identiques à toutes les organisations syndicales au sein de l’établissement quel que soit le nombre de collèges dans lesquels elles présentent des candidats » n’est pas contraire au principe d’égalité de traitement.

En conclusion, deux éléments sont ainsi à retenir de cette décision. Au sein d’une entreprise comportant plusieurs établissements distincts :

-       d’une part, l’employeur peut attribuer des moyens différents aux syndicats appartenant à un établissement distinct différent ;

-       d’autre part, il doit accorder les mêmes moyens aux syndicats d’un même établissement distinct.

Bien que l’argument selon lequel les moyens alloués aux syndicats devraient tenir compte du nombre de collèges dans lesquels ces syndicats présentent des candidats s’entend volontiers, la position de la Cour de cassation est bien conforme à l’obligation de neutralité qui pèse sur l’employeur.

En effet, les mêmes chances sont données aux syndicats intéressés de se développer dans l’établissement (ou  l’entreprise) grâce à  l’attribution de moyens identiques en vue des prochaines élections professionnelles.



(1) Art. L.2141-7 C.trav.