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Délégué syndical : la désignation parmi les adhérents, fin du débat !

Publié le 02/09/2020

L’article L. 2143-3 du Code du travail, relatif aux règles de désignation du délégué syndical (DS), faisait jusqu’à présent l’objet de différentes interprétations en ce qui concerne la désignation d’un DS parmi les adhérents. Par un arrêt du 8 juillet 2020, la chambre sociale de la Cour de Cassation a clarifié le sens de ce texte. Elle en conclut que lorsque tous les élus et/ou candidats présentés par le syndicat ont renoncé au mandat de DS, le syndicat peut désigner l’un de ses adhérents sans devoir proposer ce mandat aux candidats des autres listes syndicales. Cass.soc. 08.07.2020, n°19-14.605

  • Faits, procédure, prétentions

Dans l’affaire litigieuse, un syndicat CGT avait notifié à une société la désignation d’un simple adhérent en qualité de DS, en vue du remplacement du précédent DS démissionnaire.

La société a saisi le tribunal d’instance en invoquant la présence au sein de l’établissement de candidats lors des dernières élections professionnelles.

Déboutée par le tribunal, elle a formé un pourvoi en cassation, dans lequel elle a mis en exergue ces deux arguments principaux.

  1. Plusieurs candidats, toutes OS confondues, avaient été élus et n’avaient pas renoncé à être désignés. Ainsi, le syndicat ne pouvait prétendre à nommer un adhérent qui ne s’était pas porté candidats aux élections.
  2. Lorsque l’ensemble des élus présentés par l’organisation syndicale avait renoncé au mandat de DS, l’organisation syndicale n’avait pu procéder à la désignation d’un adhérent au sein de l’établissement ou de l’entreprise qu’à défaut d’autres candidats aux élections susceptibles d’être désignés. L’article L.2143-3 du Code du travail ne prévoit en effet aucune faculté de désigner un simple adhérent en cas de renonciation de l’ensemble des candidats.

 

Bref rappel des règles applicables quant à la désignation du DS
En principe, le DS est désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections (1).
Des exceptions ont toutefois été prévues (2). Le syndicat peut effectivement choisir son DS « parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du mandat au comité social et économique », dans trois situations :
- aucun des candidats présentés n’a obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés ;
- il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux éléctions professionnelles qui remplisse cette condition d'audience ;
- tous les élus renoncent par écrit à leur droit d'être désignés.
Ces règles dérogatoires étaient sujettes à des interprétations divergentes dans les entreprises, l'arrêt de la Haute juridiction du 8 juillet 2020 vient mettre fin à toute ambiguïté.

In fine, la question posée à la Cour de cassation était la suivante : l’article L.2143-3 du Code du travail permet-il de désigner un simple adhérent en cas de renonciation de l’ensemble des candidats au mandat de DS, sans devoir proposer ce mandat aux candidats des autres listes syndicales ?

 

  • Solution de la Cour de cassation 

A l’aune de sa jurisprudence antérieure (3) et de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, dont l’un des objectifs était d’éviter l’absence de DS dans les entreprises, la Haute juridiction rejette le pourvoi formé par l’entreprise.

La Cour opte pour une interprétation souple, et surtout assez logique, de l’article L.2143-3 du Code du travail. Elle retient effectivement que cet article « doit être interprété en ce sens que lorsque tous les élus ou tous les candidats qu’elle a présentés aux dernières élections professionnelles ont renoncé à être désignés DS, l’organisation syndicale peut désigner comme délégué syndical l’un de ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou l’un de ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique ».

La référence est donc faite à l’ensemble des élus ou des candidats du syndicat, et non ceux également présentés par des listes concurrentes. En somme, si tous les candidats du syndicat et les élus renoncent par écrit à être désignés, il est alors possible de désigner un DS parmi les simples adhérents, sans devoir proposer ce mandat aux candidats des autres listes électorales.

Dans cette affaire, la Cour de cassation constate que le précédent DS désigné par le syndicat avait démissionné de ses fonctions et que les autres candidats de la liste du syndicat avaient renoncé à exercer les fonctions de DS. Elle en conclut donc que le syndicat avait valablement désigné l’un de ses adhérents en cette qualité.

La rédaction de l’alinéa 2 de l’article L.2143-3 du Code du travail alimentait des contentieux similaires à la présente affaire. Par conséquent, cet éclaircissement de la Cour de cassation, qui relève du bon sens, était attendu. Imposer à une organisation syndicale donnée d'obtenir le renoncement de tous les candidats à être désigné DS, toutes organisations syndicales confondues, auraient purement et simplement été incompréhensible et impraticable en pratique !  

 

 

(1) Alinéa 1er de l’article L.2143-3 du Code du travail.

(2) Alinéa 2 de l’article L.2143-3 du Code du travail.

(3) Cass.soc. 27.02.2013, n°12-15.807 : un syndicat qui n’a plus de candidat sur sa liste répondant à la condition de 10 % n’est pas tenu de solliciter les candidats des autres listes qui rempliraient cette condition.