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Accords minoritaires : précisions inédites sur la consultation des salariés

Publié le 30/10/2019

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation apporte des précisions inédites sur la procédure de consultation des salariés pour valider un accord minoritaire. D’une part, elle décide que la régularité de la demande d’organisation de la consultation n’est pas subordonnée à sa notification aux autres organisations syndicales représentatives. D’autre part, elle affirme que tous les salariés ayant la qualité d’électeurs au sein de l’entreprise ou de l’établissement concerné peuvent participer à la consultation. Cass.soc.09.10.19, n° 19-10.816.

  • PICTO Accord collectif OrangeFaits et procédure

Dans cette affaire, un hôpital a signé avec le syndicat CGT un accord de substitution à l’accord d’établissement relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail. L’accord ayant recueilli au moins 30 %, mais moins de 50 % des suffrages exprimés aux dernières élections, il était donc minoritaire et ne pouvait s’appliquer en l’absence de validation par les salariés.

Depuis le 1er mai 2018, le principe est celui de l’accord majoritaire. Ainsi, pour être valable, un accord doit recueillir la signature d’une ou de plusieurs organisations syndicales représentative(s) ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d'OSR au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE, quel que soit le nombre de votants.

Seulement, pour éviter que le seuil des 50 % n'entraîne des situations de blocage, la loi prévoit un mécanisme de « rattrapage » : la validation d’un accord minoritaire par référendum. De cette façon, si l'accord est signé par des OSR représentant plus de 30 % des suffrages aux élections, une ou plusieurs de ces organisations pesant plus de 30 % peuvent solliciter l’organisation d’un référendum visant à valider l'accord.(1)

La CGT a souhaité l’organisation d’une consultation des salariés et a notifié sa demande à l’employeur, mais pas au syndicat CFDT. C’est l’employeur qui a lui-même informé la CFDT, 7 jours après la signature de l’accord minoritaire.

Un décret précise la procédure relative de la consultation des salariés. Il prévoit notamment que les OS souhaitant son organisation « notifient par écrit leur demande à l'employeur et aux autres organisations syndicales représentatives dans un délai d'un mois à compter de la date de signature de l'accord ».(2)

Par la suite, afin d’organiser la consultation, un protocole préélectoral a été négocié en présence des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. Celui-ci prévoyait expressément l’exclusion de certains salariés de l’établissement du vote.

A l’issue du référendum, le syndicat CFDT a saisi le tribunal d’instance d’une demande d’annulation tant du protocole préélectoral que des opérations de consultation.

  • L’absence de notification aux autres OS n’affecte pas la régularité de la demande

Débouté par les juges du fond, le syndicat CFDT s’est pourvue en cassation. À l’appui de son pourvoi, elle soutenait très justement qu’en application de la loi et du règlement, le syndicat qui sollicite l'organisation d'une consultation a l'obligation de notifier par écrit sa demande aux autres syndicats dans un délai précis. D’autre part, elle ajoute que le fait pour l'employeur de suppléer la carence de ce syndicat caractérise un manquement à son obligation de neutralité constituant une irrégularité entraînant en elle-même l'annulation du protocole préélectoral.

Cependant, la Cour de cassation balaie ces arguments en faisant une interprétation bien audacieuse des textes ! C’est ainsi qu’elle affirme que la régularité de la demande formée par un syndicat pour l’organisation de la consultation des salariés « n’est pas subordonnée à sa notification aux autres organisations syndicales représentatives, laquelle a seulement pour effet de faire courir les délais » de 8 jours permettant aux autres oSR d’ajouter leur signature à l’accord.

A compter de la demande de consultation, les OSR non signataires disposent d’un délai de 8 jours pour ajouter leur signature à l’accord minoritaire. Si ce délai n’a pas permis d'atteindre le seuil de plus de 50 %, la consultation est organisée dans un délai de 2 mois.(3)

La Cour ajoute qu’en pareille situation, l'information donnée par l'employeur de la demande aux autres OSR ne constitue pas un manquement à l'obligation de neutralité de l'employeur.

  • La consultation concerne tous les électeurs !

Le syndicat CFDT demandait également l'annulation du protocole préélectoral et de la consultation en raison du périmètre de la consultation. En effet, les salariés n’entrant pas dans le champ d’application de l’accord en avaient été exclus.  La validation de l’accord n’avait donc pas pu être soumise à l’intégralité des salariés électeurs de l’établissement dans lequel il devait s’appliquer.

La loi donne peu de précisions sur le périmètre de la consultation des salariés. Selon l’article L. 2232-12 du Code du travail, dans les établissements pourvus d’un ou plusieurs délégués syndicaux, les salariés des établissements « couverts par l’accord » et électeurs participent à la consultation.

Les juges du fond ont rejeté cette demande, interprétant strictement l'article L. 2232-12 du Code du travail. Suivant cette logique, le tribunal a retenu que tous les salariés de l'hôpital devaient être consultés, à l'exception des cadres, médecins, pharmaciens, dentistes et sages-femmes, auxiliaires de puériculture, aides-soignantes et infirmière puéricultrices, ces derniers n'étant pas des salariés couverts par l'accord.

La Cour de cassation censure ce raisonnement :

l'ensemble des salariés de l'établissement qui remplissent les conditions pour être électeurs doivent être consultés.

 

La Haute juridiction précise ainsi enfin les règles relatives aux modalités de consultation des salariés : la loi parle bien d’établissement « couverts par l’accord » et non de salariés « couverts par l’accord ».

La CFDT salue cette décision favorisant un périmètre de la consultation cohérent avec la légitimité électorale des organisations syndicales. En effet, le périmètre de la consultation retenu est le même que celui servant pour mesurer l’audience syndicale. Par ailleurs, une solution inverse de la Cour aurait conduit à des difficultés pratiques liées à la détermination des salariés couverts (salariés directement impactés ? Ou potentiellement impactés ? Quid si le périmètre de l’accord évolue ?) Finalement, cette solution de la Cour va dans le sens d’une plus grande sécurité juridique des accords.

Attention toutefois ! Dans le cadre d’un accord minoritaire catégoriel, la consultation doit être organisée à l’échelle du collège électoral, de sorte que seuls les salariés électeurs relevant de ce collège seront consultés. Par conséquent, sous cette réserve uniquement, le protocole préélectoral ne peut exclure de la consultation certains salariés de l’établissement au motif qu’ils ne sont pas couverts par l’accord.



(1) Art. L.2232-12 C.trav.

(2) Art. D.2232-6 C.trav.

(3) Art. L.2232-12 C.trav.