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Comité central : le suppléant quittant ses fonctions n’a pas à être remplacé … sauf accord

Publié le 19/06/2019

Un titulaire au comité central d’entreprise (CCE) quittant ses fonctions est remplacé par un suppléant. Mais un suppléant à ce même comité qui, lui aussi, quitte ses fonctions doit-il être remplacé par un autre suppléant ? En principe non, sauf si dans l’entreprise la négociation en a décidé autrement. Cass. soc. 29.05.19, n° 17-31.029    

  • Une histoire a priori sans histoire

Les faits attenants à cette affaire se déroulent au sein d’Alstom Power Systems avant que la mise en place en son sein d’un Comité social et économique (CSE) n’y soit envisagée. Cette société ,composée de 4 établissements distincts dotés, pour chacun d’eux, d’un comité d’établissement, était on en peut plus logiquement dotée d’un comité central d’entreprise (CCE).

4 établissements donc pour le même nombre d’actes qui trouveront à se jouer tout au long du mois d’octobre 2017 :

1er acte : le 5 octobre 2017, les élections de renouvellement des mandats sont organisées au sein de chacun des établissements distincts ;

2ème acte : dans la suite logique de ces élections, le 19 octobre 2017, le comité d’établissement de l’un de ces établissements distincts -Thermal Systems Belfort- se réunit afin de désigner les représentants titulaires et suppléants qui seront amenés à siéger au CCE. Jusqu’ici, disons-le, tout va bien.

3ème acte : dans les jours qui suivent sa désignation, l’un des suppléants ainsi désigné se ravise « pour des motifs de santé ».

4ème acte : le 31 octobre, enfin, prenant acte de cette quasi immédiate démission, le comité d’établissement de l’établissement distinct Thermal Systems Belfort se réunit à nouveau afin de désigner un autre suppléant … en lieu et place du suppléant démissionnaire.

L’histoire aurait très bien pu s’arrêter là mais c’était sans compter sur les velléités contentieuses de l’un des syndicats d’Alstom Power Systems -Solidaires unitaires démocratiques TechnHom Belfort- qui était visiblement bien décidé à faire tomber cette dernière désignation.

Et c’est en ce sens que le tribunal d’instance de Belfort fût saisi.

  • Des textes quelque peu indigents

A bien y regarder, les textes à l’époque applicables au CCE étaient assez peu loquaces. Ils précisaient en substance que, sauf accord, le CCE devait être composé d’un maximum de 20 titulaires et de 20 suppléants élus (1), établissement par établissement, parmi leurs membres (2); étant entendu que le nombre d’établissements distincts et la réparation des sièges entre ces différents établissements et les différentes catégories professionnelles devaient faire l’objet d’un accord conclu entre l’employeur et « les organisations syndicales intéressées » (dans les conditions inhérentes au protocole d’accord préélectoral) (3).

Le remplacement des suppléants ayant (temporairement ou non) cessé leurs fonctions n’était quant à lui envisagé, ni dans la partie CCE, ni dans la partie CE du Code du travail ; seul l’un de ses articles (dans la partie CE) venant préciser de quelle manière l’absence d’un titulaire pouvait être parée par l’entrée en scène d’un suppléant (4).

Et dans l’affaire qui nous intéresse, précisons-le, un avenant au protocole relatif à « la composition du comité central d’Alstom Power System » venait déterminer le nombre maximum de membres du CCE ainsi que la répartition des sièges entre les différentes catégories professionnelles et les différents établissements. Mais rien, absolument rien, n’y figurait quant à un éventuel remplacement des suppléants démissionnaires …

  • Un tribunal d’instance plus pragmatique que rigoriste

Certes, rien dans les textes ne prévoyait le possible remplacement des suppléants siégeant au CCE. Mais le juge d’instance chargé de statuer dans cette affaire n’y avait pourtant rien vu de rédhibitoire quant à la régularité de la désignation du suppléant remplaçant telle qu’elle avait été ici opérée. « Ce qui n’est ni interdit, ni encadré par la loi reste autorisé et libre ».

Pour ce juge du fond d’ailleurs, il s’agissait là davantage d’ « une rectification » que d’un véritable remplacement dans le sens où la désignation du nouveau suppléant n’avait été faite que 12 petits jours après la désignation du suppléant démissionnaire. Aussi, estimait-il que, dans de telles conditions, il s’agissait en fait de ne pas laisser, dès le début de la mandature, un siège vacant et, tout compte fait, de donner sa pleine et entière application à l’avenant n° 2 au protocole relatif à la composition du CCE quant au nombre de sièges qu’il avait lui prévu de pourvoir.

  • Une Cour de cassation beaucoup plus rigoriste que pragmatique   

Le jugement du tribunal d’instance rendu en premier et dernier ressort pouvait somme toute paraître à la fois intelligent et équilibré. Mais il ne passera pourtant pas le contrôle de la Cour de cassation qui décidera in fine de la censurer.

Et à bien y regarder, l’arrêt de cassation rendu à cette occasion ne vise aucun texte de loi mais uniquement l’avenant n° 2 au protocole relatif à la composition du CCE d’Alstom Power System. La Haute juridiction constate en effet que celui-ci ne prévoyait aucune stipulation relative au remplacement d’un membre suppléant au CCE … et qu’en conséquence, un tel remplacement n’était pas possible.

Dit autrement, soit le dialogue social se préoccupe de cette question et le remplacement est possible, soit le dialogue social ne s’en préoccupe pas et il ne l’est pas.

  • Une solution en tout point transposable au nouveau comité économique et social central (CSEC)

A quelques différences près, les textes issus l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 s’inscrivent dans la même veine que les textes anciens. En substance toujours, ils précisent que, « sauf accord conclu entre l’employeur et l’ensemble des organisations syndicales représentatives » , le CCE doit être composé d’un maximum de 25 représentants titulaires et de 25 représentants suppléants élus (5), établissement par établissement, parmi leurs membres (6) ; étant entendu que le nombre d’établissements distincts et la réparation des sièges entre les différents établissements et les différentes collèges doit toujours faire l’objet d’un accord conclu entre l’employeur et les « organisations syndicales intéressées » (dans les conditions inhérentes au protocole d’accord préélectoral) (7).

Le remplacement des suppléants ayant (temporairement ou non) cessé leurs fonctions n’est quant à lui toujours pas envisagé par le Code du travail. Ni dans sa partie CSEC, ni dans sa partie CSE ; seul l’un de ses articles (dans la partie CSE) venant préciser de quelle manière l’absence d’un titulaire CSE peut être parée par l’entrée en scène d’un suppléant CSE (8)

Aussi, au regard de l’état des textes nouveaux, la solution dégagée par l’arrêt est donc tout à fait transposable aux nouveaux CSEC ; l’accord qui en définit la composition se devant impérativement de prévoir le possible remplacement des suppléants absents pour que celui-ci puisse effectivement advenir.



(1) Art. D. 2327-1 C. trav.

(2) Art. L. 2327-3 ancien C. trav.

(3) Art. L. 2327-7 ancien C. trav.

(4) Art. L. 2324-28 ancien C. trav.

(5) Art. R. 2316-1 C. trav.

(6) Art. L. 2316-4 2° C. trav.

(7) Art. L. 2316-8 (renvoyant à art. L. 2314-6) C. trav.

(8) Art. L. 2314-37 C. trav.