La discrimination au travail

Publié le 17/09/2020 (mis à jour le 10/07/2023)

Le ministère du travail a mené entre 2019 et 2021 une grande étude de testing des entreprises en France. Les résultats de cette dernière démontrent que les candidats portant un nom français ont près de 50% de chances de plus d’être rappelés par un employeur que les candidats dont les noms de famille sont à consonnance extra européenne (1). 

A tous les stades de votre vie professionnelle, vous pouvez vous trouver confronté à ces pratiques-là, et ce de l’entretien d’embauche jusqu’à la rupture du contrat de travail. Pourtant, les pratiques discriminatoires sont sévèrement punies par la loi.

Le Code du travail est en effet très clair : l’ensemble des décisions prises par l'employeur doivent être arrêtées en considération des qualités professionnelles du salarié (ou candidat) et en aucun cas être motivées par l’origine, le sexe, l’orientation sexuelle, les opinions politiques, les convictions religieuses, l’état de santé...

Le principe de l’interdiction des discriminations

Qu’est-ce qu’une discrimination ?

Une discrimination est une inégalité de traitement entre salariés, fondée sur un motif dit discriminatoire, expressément visé par l’article L.1132-1 du Code du travail. En d’autres termes, il s’agira de traiter différemment deux salariés ou candidats qui sont dans une situation similaire ou comparable, en se basant sur un motif discriminatoire.

La discrimination peut alors être :

  • Directe : Une mesure volontairement discriminatoire, en ce qu’elle ne masque pas son caractère de différenciation entre les salariés ou candidats au nom d’un motif discriminatoire.
  • Indirecte : Une mesure, qui, bien que neutre en apparence, a pour résultat d’entraîner un désavantage particulier pour une catégorie ou un groupe de personne.

Tel est le cas, pour la Cour de cassation, du refus de promotion d’une salariée au retour de son congé maternité, laquelle promotion lui avait été promise (2).

Les motifs de la discrimination

L’article L.1132-1 du Code du travail pose un principe général de non-discrimination. En son sein, il dresse une liste limitative des motifs discriminatoires, au nombre de 25.

On y retrouve : l’origine, le sexe, les mœurs, l’ orientation sexuelle, l’ identité de genre, l’âge, la situation de famille ou la grossesse, les caractéristiques génétiques, la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur, l’ appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l’exercice d'un mandat électif, l’apparence physique, le nom de famille, le lieu de résidence ou de la domiciliation bancaire, ou en raison de l’état de santé, la perte d'autonomie ou du handicap, la capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

L’interdiction est formelle : l’employeur ne peut jamais se baser sur un de ces motifs pour prendre sa décision.

L’employeur ne peut donc se fonder que sur des critères d’ordre professionnels et objectifs pour prendre une mesure à l’encontre d’un salarié ou d’un candidat.

L’auteur de la discrimination

L’auteur de la discrimination peut aussi bien être l’employeur lui-même, un supérieur hiérarchique ou encore un autre salarié.

Les exceptions au principe de non-discrimination : les différences de traitement autorisées

Un chapitre entier du Code du travail s’attache aux différences de traitement autorisées, tant celles-ci sont importantes.

Ainsi, aux articles L.1133-1 et suivants, des différences de traitement entre les salariés sont admises dès lors qu’elles sont justifiées par une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée. Lire aussi : « Le recrutement ».

Tel est le cas de l'âge : bien qu’il forme un critère discriminatoire, l’âge peut justifier des décisions pour la promotion d’une politique de l’emploi, tant que les moyens utilisés sont appropriés et nécessaires (3).

Le principe d'interdiction des discriminations ne fait pas non plus obstacle à l'intervention de mesures temporaires prises au seul bénéfice des femmes visant à établir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes.

Ces mesures résultent :

  • Soit de dispositions réglementaires prises dans les domaines du recrutement, de la formation, de la promotion, de l'organisation et des conditions de travail ;
  • Soit de stipulations de conventions de branches étendues ou d’accords collectifs étendus ;
  • Soit de l’application du plan pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Parfois, l’employeur pourra contrevenir au principe « à travail égal, salaire égal » (4). Tel est le cas lorsqu’il peut justifier d’une différence de rémunération entre des salariés placés dans une situation similaire ou comparable par le coût de la vie dans la région de l’un, bien supérieure au second : c’est le cas du salarié résidant à Paris (5)

A quel moment peut-il y avoir discrimination ?

Interdiction de la discrimination à l’embauche

Si l’employeur est libre d’embaucher le candidat de son choix, il ne peut cependant pas se fonder sur un des motifs énoncés ci-dessus pour exclure un candidat de la procédure de recrutement, que ce soit au stade de l’étude du CV ou au cours d’un entretien d’embauche. 

Au cours de l’entretien vous n’êtes pas obligé de répondre aux questions qui sont sans lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé, ni aux questions relatives aux caractéristiques visées par l’art. L. 1132-1 du Code du travail. Dans cette hypothèse, vous seriez en en droit de vous taire, voire de mentir, comme par exemple, sur votre état de grossesse (6), sur vos antécédents judiciaires ou une condamnation pénale (dès lors que vous n’avez pas l’obligation d’en faire mention compte tenu du poste visé), sur votre état de santé ou votre handicap.

La discrimination pendant l’exécution du contrat de travail

La mesure discriminatoire peut concerner la rémunération, l’évolution de carrière, l’accès à la formation professionnelle, la charge de travail, l’exclusion d’un salarié, les sanctions disciplinaires ou la rupture du contrat (auquel cas le licenciement serait nul et le salarié réintégré).

Les types de discrimination 

Les cas expressément prévus par la loi

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice du droit de grèvedes fonctions de juréde son orientation sexuelle (7), ou de sa maternité (8). Également, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L.1132-1 pour avoir refusé en raison de son orientation sexuelle une mutation géographique dans un Etat incriminant l'homosexualité. 

Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, les salariés et candidats à un stage ou à une période de formation dans l’entreprise sont informés par tout moyen des textes relatifs à la discrimination (9). 

Le cas du harcèlement discriminatoire 

La loi du 27 mai 2008 a introduit la notion de harcèlement discriminatoire : c'est un agissement à l’encontre d'un salarié, lié à un motif prohibé par la loi, et qui a pour conséquence de traiter moins favorablement un salarié par rapport à un autre dans une situation comparable. Lire aussi « Le harcèlement au travail ».

Le cas particulier de la discrimination syndicale 

La discrimination existe aussi entre organisations syndicales (10) : l’employeur ne peut pas privilégier un syndicat plutôt qu’un autre ou encore exercer des pressions sur certains d’entre eux. Autrement, ce dernier s’exposerait à des sanctions pénales.

C’est pourquoi diverses dispositions tendent à les protéger :

  • Les salariés ne peuvent être sanctionnés, licenciés, faire l’objet d’une mesure discriminatoire ou être écartés d’une procédure de recrutement (à un stage, un emploi ou une formation) en raison de leurs activités syndicales (11).
  • Un accord doit déterminer les mesures destinées à « concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale et à tenir compte de l’expérience acquise, dans le cadre de l’exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle (12).
  • Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, la négociation triennale en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences porte également sur le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l’exercice de leurs fonctions (13).

Que faire en cas de discrimination ?

L'ÉMERGENCE DE LA COMPARAISON STATISTIQUE DES PROFILS COMME MOYEN DE PREUVE

L’utilisation de la comparaison statistique des profils des candidats est possible. Lorsqu’un candidat s’estime injustement écarté du processus de recrutement, il peut tenter de mettre en perspective les profils des candidats embauchés en CDI et ceux écartés du recrutement. Le but ici est de laisser supposer l’existence d’une discrimination à l’embauche. La Cour de cassation s'est penchée sur la question pour la première fois dans un arrêt du 14 décembre 2022 (11), facilitant ainsi l’obtention de la preuve.

En pratique, il peut s’agir d’une analyse statistique de l’origine des noms des salariés en CDI de l’entreprise. Le but du salarié sera alors de prouver l’existence d’une discrimination systémique à l’embauche. C’est ici une reprise de la jurisprudence Enderby (12) de la Cour de justice des Communautés européennes (aujourd’hui Cour de Justice de l’Union européenne), où dans un arrêt de 1993, la juridiction admettait déjà la preuve statistique.

Une proposition de loi sur la discrimination 

Une proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques prévoit plusieurs mesures en ce sens.

Son principal apport est la création d’un service sous l’autorité du Premier ministre attaché à la connaissance, la prévention et la correction des situations de discrimination.

Ce service aurait pour mission de conseiller les personnes qui souhaiteraient faire des tests individuels de discrimination, de réaliser lesdits tests sur demande ainsi que de réaliser et financer des tests de discrimination statistiques.

L’organe rendrait public l’ensemble de ses tests.

Lire la fiche "La preuve de la discrimination devant le conseil de prud'hommes" pour la question probatoire.

Qui prévenir ?

  • Les membres du CSE
  • Les organisations syndicales représentatives au plan national ou dans l’entreprise
  • L’inspecteur du travail
  • Les associations de lutte contre les discriminations,
  • Le « Défenseur des droits » peut également être gratuitement saisi par courrier, en ligne ou par rendez-vous. 

Quels sont les recours possibles ?

Recours pénal

Le dépôt de plainte est possible auprès du Procureur de la République, commissariat de police, ou de la gendarmerie afin que les agissements soient pénalement sanctionnés par le tribunal correctionnel.

Recours civil

La saisine du Conseil de prud'hommes est possible (ou Tribunal administratif si l’auteur de l’infraction est un agent public) pour demander d’une part annulation de la mesure discriminante et réparation du préjudice subi.

Cette action se prescrit par 5 ans conformément à l’article L.1134-5 du Code de travail, à compter de la révélation de la discrimination.

Par exemple, la Cour de cassation a pu juger que l’action en discrimination d’un salarié n’a pu se prescrire qu’après un délai de 5 ans à compter de la date du courrier de l’inspection du travail lui révélant la discrimination dont il était victime (Cass. soc., 20 février 2013, n°10-30.028).

Le licenciement d’un salarié qui a agi en justice est nul, quand il est prouvé que cette mesure n’a été motivée que par l’action en justice qu’il a engagée. Dans ce cas le salarié doit être réintégré.

Les sanctions

Les premières sanctions dont l’auteur du harcèlement fera l’objet sont avant tout d’ordre disciplinaire, tel est le cas lorsque celui – ci est salarié de l’entreprise.

Les sanctions civiles 

Du point de vue civile, les sanctions sont multiples : nullité de la mesure discriminatoire prononcée par le juge, réintégration du salarié s’il a été licencié, versement de dommages et intérêts (14), et enfin reclassement du militant au niveau de classification auquel il aurait dû être en l’absence de ralentissement ou de stagnation de sa carrière.

Les sanctions pénales

Le Code pénal (15) prévoit une amende maximale de 45 000 euros et de 3 ans de prison.

Le Code du travail prévoit par ailleurs une amende pouvant aller jusqu’à 3750 € (et, en cas de récidive, d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 7500€ maximum dans le cas où l’employeur prendrait une mesure en considération de l’exercice d’une activité syndicale).

Les personnes physiques ou les personnes morales peuvent être condamnées à titre de peines complémentaires à l'interdiction de soumissionner aux marchés publics à titre définitif ou pour une durée de 5 ans au plus. 

 

 

(1)https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/discrimination-lembauche-des-personnes-dorigine-supposee-maghrebine-quels-enseignements

(2) Cass. soc., 16 décembre 2008, no 06-45.262.

(3) L.1133-2 C.trav et Cass. soc., 16 février 2011, n°09-72.061.

(4) Cass. soc., 29 oct. 1996, n° 92-43.680.

(5) Cass. soc., 14 septembre 2016, n°15-11.386.

(6) L.1225-2 C.trav.

(7) Art. L. 1132-2 et s. C.trav.

(8) Art. L. 1225-1  C.trav.

(9) L.1142-6 C.trav.

(10) Art. L. 2141-7 C.trav.

(11) Art.L. 2141-5 al. 1 C.trav.

(12) Art. L.2141-5 al. 2 C.trav.

(13) Art. L.2242-20 C.trav.

(14) L.2141-8 C.trav.

(15) 225-1 à 225-4 C.pén.