Apprenti : la rupture illégale de son contrat ouvre droit à une indemnité de congés payés

Publié le 06/04/2022

Lorsque l’employeur rompt un contrat d’apprentissage en dehors des cas prévus par la loi, la rupture est sans effet. L’employeur doit alors verser ses salaires à l'apprenti jusqu’au terme prévu de son contrat. En outre, ces éléments de rémunération lui donnent droit au paiement des congés payés afférents. Cass.soc.16.03.22, n°19-20.658.

Rappel des règles en matière de rupture du contrat d’apprentissage

A l’époque des faits, et donc avant la loi de 2015 (1), l’article L.6222-18 du Code du travail prévoyait que « le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage. Passé ce délai, la rupture du contrat, pendant le cycle de formation, ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture du contrat conclu pour une durée limitée ou, pendant la période d'apprentissage, du contrat conclu pour une durée indéterminée, ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes, statuant en la forme des référés, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer (…) ».

Aujourd’hui, le contrat d'apprentissage peut être rompu de manière plus souple :

  • par l'une ou l'autre des parties jusqu'à l'échéance des 45 premiers jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise effectuée par l'apprenti ;
  • passé ce délai, le contrat peut être rompu par accord écrit signé des deux parties. A défaut, le contrat peut être rompu en cas de force majeure, de faute grave de l'apprenti, d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ou en cas de décès d'un employeur maître d'apprentissage, dans le cadre d'une entreprise unipersonnelle.

L’employeur rompt illégalement le contrat d’apprentissage

Le contrat de l’apprenti a été rompu unilatéralement par l’employeur et ce, après le délai de 2 mois pendant lequel une rupture unilatérale est possible. Cette rupture est donc illégale.

L’apprenti décide de saisir la justice pour obtenir le paiement de ses salaires.

La cour d’appel reconnait que le contrat a été rompu illégalement et qu’il est donc sans effet. Il ouvre ainsi droit, pour l’apprenti, aux salaires qui auraient dû être versés jusqu’au terme prévu de son contrat.

En revanche, pour les juges du fond, ce rappel de salaires n’ouvre pas droit au versement des congés payés afférents. Selon eux, compte tenu du caractère indemnitaire du rappel de salaire, l’apprenti ne peut prétendre au paiement des congés payés.

La question posée à la Haute Cour est la suivante :

En cas de rupture du contrat d’apprentissage, en dehors des cas légalement autorisés, le salarié peut-il prétendre à une indemnité pour les congés payés afférents au salaire perçu jusqu’à la fin de son contrat ?

Droit à un rappel de salaire, mais aussi au paiement des congés payés afférents

En s’appuyant sur l’article L.6222-18 du Code du travail (dans sa version antérieure à la loi de 2015), la Cour de cassation juge que la rupture du contrat d’apprentissage en dehors des cas autorisés est sans effet. Ce qui veut dire que l’employeur est tenu, sauf en cas de mise à pied, de payer les salaires jusqu’au jour où le juge, saisi par l’une des parties, statue sur la résiliation ou, s’il est parvenu à expiration, jusqu’au terme du contrat.

L’apprenti peut également prétendre au paiement des salaires dus jusqu’au terme du contrat ainsi qu’au paiement des congés payés y afférant.

Cette décision, qui peut surprendre, dans la mesure où ces congés payés correspondent en réalité à une période non travaillée, s’explique sans doute par le revirement de jurisprudence opéré par la chambre sociale de la Cour de cassation du 1er décembre 2021 (2), suite à un arrêt de la CJUE (3) rendu en 2020 (4).

La Haute Cour a en effet jugé que, sauf lorsque le salarié a occupé un autre emploi durant la période d’éviction comprise entre la date du licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi, il peut prétendre à ses congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141- 3 et L. 3141-9 du Code du travail.

Nous ne pouvons que saluer cet arrêt, protecteur pour l’apprenti qui a vu son contrat illégalement rompu.  

 

 

(1) Loi n°2015-994 du 17.08.15.

(2) Cass.soc.01.12.21, n°19-24.766.

(3) CJUE : Cour de justice de l’Union européenne.

(4) CJUE, 25.06.20, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria, aff. C-762/18 et Iccrea Banca, aff. C-37/19.

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